Deux oeuvres issues du concours "De l'art dans l'espace public"

Le concours

En plus de développer sa collection dans l’espace public sous la forme d’œuvres pérennes, la Ville, par le biais de son Fonds d’art contemporain (FMAC), souhaite valoriser des installations éphémères et diversifier les méthodes et pratiques en matière d'art public. Elle organise ainsi dès 2024 le concours ouvert « De l’art dans l’espace public » afin d’encourager des démarches expérimentales et d’investir notamment des lieux de transformations urbaines ou des quartiers peu investis par l'art. 

« L’intervention questionnera, avec une thématique libre, la notion d’espace public en tant qu’espace catalyseur de rencontres, espace en perpétuelle mutation avec un statut et une définition constamment remis en question. Elle pourra prendre toute forme artistique liée aux arts visuels, matérielle ou immatérielle. Les candidat-e-s choisiront librement le site/territoire du domaine public de la ville de Genève […]. » (extrait des Conditions générales de participation)

A l’issue du premier concours dont le jury s’est déroulé en novembre 2024 deux projets ont été retenus :  KA’WIN, de l’artiste Vicente Lesser, et Peinture de l’artiste Tayeb Kendouci.

Les œuvres éphémères

KA’WIN ⁽¹⁾ de Vicente Lesser Gutierrez

La proposition de Vicente Lesser Gutierrez est « un objet urbain évolutif, qui se veut à la fois fonctionnel et poétique, catalyseur de rencontres et de performances, interrogeant la diversité des interactions quotidiennes de l’espace urbain » (extrait du texte de l’artiste dans le dossier de concours). Il s’agit d’un dispositif sculptural et interactif mobile qui s’articule autour d’un banc circulaire, installé à plusieurs reprises dans différents lieux de l’espace public genevois au cours de l’année 2025, activé par des performances et une bande sonore. Le dispositif joue avec les usages et les restrictions de l’espace public.

Posé durant 10 jours dans 5 lieux différents que l’artiste a identifié « car il y réside une certaine tension entre la population, les passant·es, les autorités et les projections des différents groupes sociaux sur leur usage », le banc circulaire est un espace qui invite aux échanges et aux dialogues et fait « écho à la manière dont les villes se transforment en fonction des flux migratoires et des mouvements sociaux ». Il se complexifie par l’insertion « ornementale » de skatestoppers, ces éléments métalliques installés sur le mobilier urbain pour empêcher la pratique du skate. L’aspect décoratif entre ainsi en friction avec l’intention répressive de ces éléments. La diffusion sonore, de musique et d’entretiens, permet une autre lecture des codes et normes qui régissent l’utilisation d’un espace partagé : la musique populaire et urbaine d’Amérique latine est souvent associée en Europe à des espaces festifs, spontanés et communautaires ; les entretiens ont été menés par l’artiste avec des personnes issues d’horizons culturels divers, partageant des expériences personnelles liées à la ville.

Enfin, durant une journée sur chaque emplacement de la sculpture, des performeuses et performeurs sont invité-e-s à activer l’espace en rejouant et adaptant une gestuelle propre aux usages de l’espace public et aux habitudes du quotidien. « Ces performances reflètent l’hybridation culturelle qui façonne nos villes, tout en réaffirmant le rôle des corps comme acteurs principaux de l’occupation de l’espace public. […]. Il s’agit d’une réflexion sur la manière dont les corps, les mémoires et les récits façonnent et reconfigurent l’espace urbain, créant parfois des villes invisibles à l’intérieur des villes visibles. »

1. Le terme « Kawiñ » provient de la langue des Mapuches et signifie une réunion festive, une alliance ou encore une histoire ou un ragot.

• Calendrier :

17 mai - Place des Volontaires, 13h-23h – dans le cadre de la Fête de la danse

27 juin - Rond-Point de Plainpalais, 11h-21h

14 août - Place de la Navigation, 11h-21h

11 septembre - Boulevard Carl-Vogt 1, 11h-21h

18 octobre - Rotonde du Mont-Blanc, 11h-21h 

• Equipe

Conception artistique : Vicente Lesser Gutierrez
Performeur·euses : Raquel Fernandez, Isam Abad, Ornella d’Andres, Sébastien Roussi
Avec des interventions ponctuelles de : Cecilia Moya Rivera, Mayara Yamada, Jony Valado, Jorge Raka, Xheneta Imeri & Alexandra Salem,Maria-Fernanda Ordoñez
Son : Sebastián Davilá
Réalisation technique du banc : Adrian Fernandez Garcia
Programmation et technique : Association Ustilz
Production et administration : ARROI, Julie Marmet

Le projet est réalisé dans le cadre du concours De l’art dans l’Espace Public, organisé par le Fonds Municipal d’Art Contemporain de la Ville de Genève, et soutenu par La Fondation Anne-Marie Schindler et une Fondation Genevoise.
 

Peinture de Tayeb Kendouci

« Depuis le pont de la Coulouvrenière, en direction de Saint-Jean, on aperçoit l’immeuble situé au 4, rue des Ormeaux, vu de son côté latéral. Ce bâtiment de style [Heimatstil], construit en 1911 sous la supervision des architectes Henri Garcin et Charles Bizet, fait partie de l’unité urbanistique et architecturale des ensembles de bâtiments construits entre 1800 et 1930. La façade latérale de cet édifice présente, sur environ un tiers de sa surface, une grande niche aveugle encadrée dans la partie inférieure du mur, dont le contour est souligné par des pierres de taille disposées à intervalles réguliers. Cette niche, en forme de capsule verticale, est composée d’un arc en plein cintre au sommet et d’une base plate formée par deux gradins. Elle constitue un ornement architectural qui témoigne du goût de l’époque. La surface entourant la niche, ainsi que la niche elle-même, est recouverte d’une peinture ocre uniforme qui confère à cet espace un aspect lisse et monolithique. » (Extrait de la présentation par l’artiste dans le dossier de concours). 

Peinture de Tayeb Kendouci consiste ainsi à recouvrir une portion de la surface de cet immeuble emblématique genevois de la teinte « Nouvelle Héloïse ». Par contraste avec son environnement, ce monochrome, d’un rose détaché, met en évidence la niche incongrue, utilisée comme support. L’intervention, prévue pour une durée d’un an, place l’artificiel au cœur du réel. L’artiste suggère un nouveau point de vue sur cette portion de ville et crée une image et un récit inédits. Il invite à une lecture sensible du territoire urbain, à la flânerie, et à une redéfinition du rôle de la couleur dans l’espace public, lieu où la science, l’histoire, les pratiques artistiques et sociales s’entrecroisent en une teinte de rose « Nouvelles Héloise ».

La participation et la présence des artistes dans ce projet témoignent de la complexité des interactions qui sous-tendent son aboutissement : le hasard, le concours des circonstances, les lapsus, les associations d’idées, les accidents, les coïncidences, les malentendus, les glissements de sens, l’imprévu, rencontres fortuites, les affinités électives, l’intuition et le désir — qui forment à eux seuls le chœur d’où Peinture tire son chant, et sa couleur.

• Avec la complicité d’Inès D’Amato Belkacem, Anaïs Defago, Frederic Gabioud, Christian Robert-Tissot.
• L’installation sera visible dès juillet 2025 et sera inaugurée en septembre.